Par François Cormier-Bouligeon, Député du Cher.
Le vote de la censure, acquis par la coalition des députés mélenchonistes, communistes, écologistes, socialistes ET lepénistes, a fait chuter le gouvernement hier soir.
Pas une seule voix n’a manqué au Nouveau Front populaire étrangement allié au Front national pour mettre un terme à la mission de Michel Barnier, un homme honnête, un Premier ministre rassurant qui n’avait pas de mérité, disait la vérité aux Français et voulait sincèrement le bien de la France.
Je n’ai naturellement pas voté la censure. Cette décision plonge notre pays dans l’inconnu au pire moment, celui où nous avons besoin de nous rassembler pour effectuer collectivement un effort courageux sur nous-mêmes afin de redresser la France dans un monde dangereux.
Il devient urgent de nous poser les bonnes questions.
Qui peut oublier que la guerre est revenue en Europe comme au Proche-Orient, avec des conséquences jusque chez nous ?
Qui peut penser que l’élection de Donald Trump et la compétition entre les USA et la Chine seront sans effet sur le continent européen ?
Qui peut continuer à ne pas voir que les bouleversements climatiques vont continuer à impacter notre quotidien et l’avenir de nos enfants ?
Qui peut raisonnablement croire qu’un endettement public non maîtrisé n’affaiblit pas considérablement notre souveraineté nationale ?
Qui peut croire que le peuple Français acceptera de consentir les nécessaires efforts sans que ceux-ci ne soient équitablement répartis entre ceux qui souffrent et ceux qui vivent dans l’abondance ni qu’une perspective nourrissant l’espérance ne leur soit proposée ?
Cette perspective passe nécessairement selon moi par une politique ayant pour objectif le plein emploi par le soutien aux acteurs économiques, la création et un partage des richesses équitable entre les salariés, l’investissement dans l’avenir et les actionnaires, le réinvestissement dans les services publics autour de trois priorités : l’Éducation nationale, la santé, la sécurité intérieure et extérieure. L’amélioration du quotidien des Français et la sécurisation de leur avenir doit être notre seule boussole !
Beaucoup d’actions ont été entreprises en ce sens ces dernières années même si tout n’a pas été parfait, loin s’en faut. Ceux qui vous disent le contraire vous mentent. Ils ne veulent pas votre bien. Ils ne se préoccupent que de leur petite boutique partisane. Méfiance !
L’irresponsabilité générale l’a emporté hier soir à l’Assemblée nationale. Cette posture est inquiétante, n’offre aucune perspective mais n’est pas inéluctable.
La sagesse peut et doit l’emporter.
Pour cela, il faut dissiper avec lucidité plusieurs illusions. Je vous remercie de prendre la peine de lire la suite qui est nécessairement longue tant la situation est complexe.
1/ Le RN n’est pas un parti responsable. Mme Le Pen l’a montré hier en semant le chaos par son alliance avec M Mélenchon. Les agriculteurs, les classes populaires et moyennes, les Français attachés à la sécurité du pays savent maintenant quoi penser de ceux qui ont rejeté un budget qui leur apportait des gages importants (je vous donne quelques exemples éclairants en fin de propos). Le RN n’est pas une solution. Il n’est que l’expression de multiples problèmes par des citoyens découragés, en colère, qu’il faut écouter et comprendre et non pas stigmatiser. Je fais la différence entre Mme Le Pen et les électeurs qui ont voté pour ses candidats.
2/ Les députés de la France insoumise ne recherchent pas le bonheur du peuple comme ils le prétendent mais le pouvoir pour M Mélenchon. Aussitôt le gouvernement de M Barnier défait par leur alliance de la honte avec les lepénistes, ils en ont appelé à la démission du président de la République. Tout est clair. Battu trois fois par le suffrage universel, le leader d’extrême-gauche ne cherche plus qu’à pulvériser nos institutions pour étancher sa soif de revanche et de pouvoir. Il est prêt à tout pour cela, y compris un soutien explicite au Hamas pour tromper et capter un électorat communautariste. Là encore, je ne mélange pas les dirigeants de LFI avec leurs électeurs. Je mesure au contraire la puissance des discours populistes auprès d’un peuple privé peu à peu de repères. Les passions l’emportent trop souvent sur la raison. Mais les passions immaitrisées peuvent-elles apporter des solutions ? Nous savons que non.
3/ L’arrimage des socialistes, des écologistes et des communistes aux mélenchonistes érige Mme Le Pen en arbitre de la vie politique française. C’est l’une des principales leçons de la censure. Ils doivent urgemment mesurer ce que leur mésalliance avec l’extrême-gauche fait courir comme risque à notre pays et à ses institutions (autant qu’en leur propre réputation) et se libérer enfin du syndrome de Caracas (le syndrome de Stockholm à la mode Mélenchon) qui est en passe de devenir le syndrome de Montretout (la même chose avec Le Pen) s’ils n’y prennent garde.
4/ La solution proposée par la gauche modérée hier n’a aucun sens. Socialistes et écologistes proposent un gouvernement du nouveau Front populaire (avec Mme Castets Première ministre ?) basé sur un engagement de non-censure du bloc central. Ils veulent donc que l’on accorde à une majorité relative de 190 députés ce qu’ils ont refusé à une autre majorité relative de 220 députés. Quel étrange rapport au suffrage universel et quelle étrange lecture du résultat des dernières élections que cela !
5/ Enfin, dernière illusion à dissiper : la reconduction d’un gouvernement sur les mêmes bases du bloc central allié à LR. Si M Barnier a été défait hier, ce n’est pas parce qu’il aurait démérité. La censure est la conséquence d’une assise trop étriquée à l’Assemblée nationale. Le prochain gouvernement devra pouvoir s’appuyer sur une majorité suffisamment large pour n’être plus l’otage de l’une ou l’autre des deux extrêmes ni même des deux coalisées.
En juin et en juillet, les Français ont exprimé une inquiétude et une colère. Ils n’ont accordé leur confiance à aucun parti ni aucune alliance. Il faut être lucide. De deux choses l’une désormais. Soit les démocrates de l’arc républicain continuent de s’ignorer et de se combattre et notre pays, ses institutions, son économie et son modèle social sombreront peu à peu dans le chaos. Soit ils se décident enfin à se parler, à devenir responsables et à construire un contrat de gouvernement et notre pays retrouvera une chance de s’en sortir. Ce contrat ne pourra pas être la traduction pleine et entière du programme de chaque parti. Tout simplement parce qu’aucun parti n’a reçu le soutien d’une majorité de Français. Il faudra à chacun faire des concessions. C’est cela le respect de la démocratie, du pluralisme, des citoyens.
L’intérêt supérieur de notre nation est en jeu. Les Français méritent que nous travaillions pour eux en plaçant l’amélioration de leur quotidien et la sécurisation de leur avenir bien au-dessus des intérêts des partis.
Je me suis exprimé continûment tous ces derniers mois et encore ces dernières heures dans cette direction. J’y travaille avec détermination en veillant à être à l’écoute de chacun, à commencer par ceux qui ne pensent pas comme moi. C’est la seule méthode possible pour avancer.
Je prends à nouveau devant vous l’engagement de continuer à travailler au bien commun, à placer l’intérêt du Berry et du pays au-dessus ce celui des partis.
Travailler à forger un avenir commun meilleur, c’est cela la République. J’en suis le fidèle et dévoué serviteur.
Votre député.
Nota bene.
Je vous avais annoncé quelques exemples de conséquences liées au rejet du budget.
Les voici :
Pour les plus modestes et les classes moyennes :• Impossibilité de recruter les 2 000 AESH qui devaient être embauchés pour accompagner les élèves en situation de handicap.
• Non revalorisation salariale pour les fonctionnaires en 2025
• 380 000 foyers qui ne payaient pas d’impôts jusqu’ici en paieront l’an prochain • 17 millions d’autres foyers de la classe moyenne verront les leurs augmenter faute de l’application du relèvement du barème fiscal prévu au budget
…Alors que les 24 300 foyers fiscaux les plus aisés ne participeront pas à l’effort d’une contribution exceptionnelle temporaire prévue de 2025 à 2027, tout comme les 450 entreprises réalisant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en France qui ne verront pas s’appliquer la majoration de l’impôt sur les sociétés
Pour nos agriculteurs qui nous nourrissent :
• La fin du taux réduit du GNR ;
• Des retraites toujours calculées sur le même système au lieu de leurs 25 meilleures années, comme prévu au budget ;
• La fin du dispositif TODE ;
• La non-exonération de cotisations sociales pour les plus-values non taxées;
• Moins d’exonération sur la taxe foncière du non-bâti ;
• La non-application de la déduction fiscale et sociale sur la provision comptable ;
• La non-application des dispositifs favorisant la transmission aux jeunes agriculteurs ;
• La fin du cumul de l’exonération des JA avec les taux réduits de l’assurance maladie et des prestations familiales;
• Moins d’aides à l’installation avec un budget de l’Accompagnement à l’Installation et à la Transmission sans hausse (il était prévu de l’augmenter de 7 millions d’euros) ;
• La fin du cumul de l’exonération des JA avec les taux réduits de l’assurance maladie et des prestations familiales
Pour nos armées et nos industriels de défense du Cher : Impossibilité de mettre en œuvre les 3,3 milliards d’euros supplémentaires prévus dans la loi de programmation militaire :
> Moins de moyens à nos armées
> Moins de commandes aux entreprises du secteur de la défense.